D’après l'article "Les cloches et les orages" paru dans le bulletin N°20 de la Licorne
Auteur : Marius Richard
Les orages , tant redoutés par nos vignerons en raison de la grêle dévastatrice qui les accompagnent, ont aussi porter atteinte à une autre population: les sonneurs de cloches.
Selon une vieille croyance, lors d’un orage, on faisait sonner les cloches pour repousser les nuages et ainsi préserver les récoltes. Mais les sonneurs qui mettaient en branle les cloches, prenaient un très gros risque en montant au sommet du clocher, l’endroit du village le plus exposé à la foudre.
Je vous rapporte deux faits qui se sont produits chez nous à Châtillon et à Belmont. Les autorités conscientes du problème ont essayé d’alerter la population. Je joins un courrier du préfet du Rhône envoyé aux maires pour qu’ils fassent cesser ces pratiques dangereuses.
BC
Châtillon 30 octobre1701
Dans le registre paroissial, le curé Damase Archier rapporte le fait suivant :
Sépulture de Claude Cordellier sonneur de cloche habitant de cette parroisse décédé par accident impourveu du feu du ciel dans le clocher, le trantiesme Octobre mil sept cens un par moy soubsigné ancien curé de Chastillon dazergues aveq les ceremonies prescrites dans le rituel de ce diocèze pour les enterrements de ceus quj meurent dans la communion de l'Egliz ledit accident est arrive Messire Jean dussoub Seygneur dudit Chastillon et de plusieurs autres places est accouru estant accompagne de Me dufornel, du filz de Monsieur de la porte alié de Monsieur dussoub et de plusieurs autres personnes quy y sont accouru ledit Messire dussoub a desclairé le jour du mailleur deux heures après un présence de Messire duroussy marchand boucher et de Messire Lapierre…au sieur dussou* le père qu'il n'estoit poin nécessaire d'informer....
* Jean Gaspard du Sou (neveu de Gaspard Camus, seigneur de Châtillon) devenu seigneur de la baronnie à la mort de son oncle, la vendra en 1691 à Maurice Dufournel.

Belmont Septembre 1702
Une histoire tirée de la « Seigneurie de Belmont d’Azergues en Lyonnais » de l’Abbé L. Pagani
Selon les vieilles coutumes de nos campagnes, on se hâtait autrefois, dès que l'orage menaçait, de monter à ce clocher et d'y mettre en branle les cloches afin d'éloigner de la contrée les terribles effets de la grêle, fléau malheureusement trop fréquent sur cette suite de collines, qui s'étendent de Tarare à la Chassagne. Le son des cloches, mises en branle, devait aller prévenir dans la compagne les vignerons attardés, inviter les âmes pieuses à prier Saint Julien, le grand protecteur du pays, et enfin dissiper les nuages par l'éclat de leur son.
C'était une coutume fort dangereuse pour le sonneur, le clocher, se trouvant sur le point le plus élevé de la colline.
Or, en 1702, un orage terrible de grêle vint s'abattre sur Belmont et les collines environnantes, le sonneur d'alors de monter aussitôt à son clocher et de tirer sur ses cloches de toutes ses forces.
Pour rendre ses bonnes intentions plus efficaces, il portait avec lui une statue de Saint Julien qu'il avait faite d'un vieux poirier, improductif depuis longtemps. La tenant serrée d'un bras, il tirait de l'autre sur ses cordes en criant : "Grand san Zelin, presarve no de la gréla!. Grand san Zélin, frère de ma pétrie, empêché la gréla de tombo!"
Mais ce jour (Septembre 1702), plus il sonnait, plus il vociférait, plus aussi la grêle tombait. Pris alors d'un accès de colère, il jette avec rage du haut du clocher en bas la statue du saint, en lui criant en son patois : "Va, te no ren valu var, tu ne vou ren sé" Va! tu n'as rien valu vert, tu ne vaux rien sec.
A quelque temps de là, comme notre homme sonnait de nouveau dans de pareilles circonstances, le tonnerre tomba sur le clocher et foudroya le malheureux ; on ne manqua pas de dire qu'il avait reçu la punition de son manque d'égards envers Saint Julien*.
* Saint Patron de la paroisse
Courrier du préfet du Rhône aux maires du département
Lyon, le 24 Mai 1809.
LE PRÉFET DU DÉPARTEMENT DU RHÔNE
L'Un des Commandans de la Légion d'honneur,
A MM. les Maires des Communes du Département,
MONSIEUR le Maire, l'expérience de l'administration nous enseigne qu'il faut répeter souvent dans les Campagnes les instructions utiles, pour en obtenir de l’effet, et pour déraciner de fâcheuses habitudes. C’est ce qui me détermine à mettre de nouveau sous vos yeux les considérations que renfermait ma lettre du 9 août 18o8, sur l'usage dangereux de sonner les Cloches à l'approche des orages, et à vous inviter encore à vous opposer à cette pratique, par tous les moyens dont vous pouvez disposer.
On a dans les campagnes, vous disais-je, la funeste habitude de sonner les cloches à l'approche des orages. Les habitans se sont persuadės à tort que le son de leur petit beffroi écarte le nuage qui recèle la foudre et la grêle, et le plus souvent c'est un effet contraire qu’il produit. Une foule d'événemens malbeureux en est chaque année la preuve. Les clochers frappés, des sonneurs écrasés par le tonnerre, des fidelles atteints dans l'Eglise, des édifices incendiés, peut-être même des récoltes détruites par la grêle, sont les fruits d'une opinion fausse et de la plus dangereuse imprudence. Il importe d'employer tous les moyens de l'Administration pour déraciner un prėjugé qui n'a pu céder aux leçons de la physique et aux conseils de la raison, pour faire cesser une habitude qui compromet les intérêts de la Société.
Les réglemens administratifs proscrivent le son des cloches à l'approche des orages. On a trop longtemps laissé tomber ces réglemens en désuétude. Il ne faut plus qu'une erreur populaire l’emporte sur la loi. Réunissez vos soins à ceux de M. le Curé de votre paroisse, ou le Desservant de votre succursale, pour répandre à cet égard dans votre commune les lumières et l'instruction. MM. les Vicaires généraux m`assurent et je suis loin d'en douter, que tous les Curés du diocèse connaissent la discipline ancienne sur ce point, et qu'il ne tient pas à ces derniers que Ies cloches ne restent en silence pendant les orages. lI doit donc vous être facile d'abolir par la persuasion un usage déraisonnable. Mais si, contre mon attente et malgré les défenses que vous en ferez, on continue à faire entendre les cloches pendant l'orage et à son approche, je vous charge de dresser ou de faire dresser des procès-verbaux contre les sonneurs, et contre les instigateurs et complices de ce véritable délit. L'article 48 de la loi du 18 germinal an X, porte qu'on ne pourra, sans la permission de la police locale, sonner les cloches pour toute autre cause que l'appel des fidelles au service divin; et certes, vous ne donnerez jamais une permission qui pourrait précipiter sur votre territoire la foudre et la grêle. Vous transmettrez les procès-verbaux qui seront dressés, à MM les Magistrats de sûreté de l'arrondissement et la juste sévérité des tribunaux garantira les habitans des campagnes des dangers auxquels ils s’exposent volontairement. C'est ainsi que presque toujours il faut faire Je bien des hommes, malgré les obstacles qu’ils y mettent eux-mêmes.
LL. EE. les Ministres de l’Intérieur et des Cultes, ont bien voulu par leurs lettres des I8 et 25 août dernier, applaudir à l’esprit qui avait dicté ma lettre, et approuver les dispositions que je vous ai prescrites. C'est un nouveau motif pour que je vous exhorte à l’exécution de ces mesures, particulièrement applicables dans la saison où nous entrons.
Je vous prie de m'accuser réception de la présente.
Agréez, Monsieur, les assurances de ma considération.
Le Préfet du département du Rhône
C. HERBOUVILLE.
